Dans le cadre individuel, je suis un utilisateur inconditionnel de Linux, plus particuilièrement Ubuntu, au travers de l'excellente interface Gnome. La particularité de cette interface est de penser l'univers en worflows. Ainsi pensée, elle est tout aussi efficace au travers de la souris qu'au travers de raccourcis clavier. Et c'est là que j'atteins mes limites : je ne suis pas performant au clavier. Je préfère utiliser la souris afin d'avoir le temps de réfléchir à ce que je fais tout en n'ayant aucun effort à faire pour me souvenir de la façon – comment – atteindre mon objectif. J'admets cependant bien volontiers que si je pouvais utiliser certains de ces raccourcis, je pourrais aisément gagner en productivité.
Si j’ai toujours beaucoup de mal à me souvenir des raccourcis clavier c'est parce que les combinaisons de touches changent en fonction du système d’exploitation, de l’interface, de l’application utilisée. Je n’ai pas une mauvaise mémoire, juste le défaut de ne pas me souvenir de ce que je n’utilise pas tous les jours en plus de ne faire aucun effort pour m'en souvenir. À part les plus universels ([CTRL] + [C], [CTRL] + [X] et [CTRL] + [V]), j’oublie rapidement les raccourcis alors que certains pourraient m’être utiles. Malgré tous mes efforts pour tenter de me discipliner, je n’arrive pas à m’en souvenir.
Cependant, par curiosité, je me suis récemment laissé tenter par un petit clavier configurable bon marché et, là, ma vie a changé. Non seulement ma productivité est bouleversée, mais je peux enfin améliorer mon interaction avec ma machine sans faire d’effort mémoriel. Je définis ma combinaison de touches puis j’utilise sans me soucier du comment.
Simple, pratique, efficace… à tel point que ce sujet est devenu une nouvelle obsession et que je me demande encore comment j'ai pu vivre sans jusqu'à présent.
Remarque liminaire
Si je précise « j'ai fait l'acquisition de », c'est parce que j'ai fait le choix par moi-même d'acheter ce produit avec mes propres deniers et que cet article n'est pas sponsorisé par la marque. Ce dernier est donc spontané, pour alimenter les retours d'expérience et aider les indécis ou les curieux à faire leur choix ou à découvrir de nouveaux produits.
Choisir le clavier
Le choix du clavier est primordial mais il dépend de chacun. Comme j’aime les choses simples, je préfère un matériel sans fioritures et dont la configuration, sans forcément être facile, reste intuitive.
J’avais commencé avec un clavier Pikatea, malheureusement non seulement le logiciel Vial est incompréhensible, mais la documentation manque cruellement d’exemples correspondant à mon usage ; l'exemple typique du logiciel pensé par des ingénieurs pour des ingénieurs. Si bien que le matériel, pourtant pas donné, reste inutilisable. Il prend la poussière dans un coin en attendant que je me décide à le mettre au rebut.
Je n'ai pas abandonné mon idée initiale pour autant.
Au détour de quelques recherches sur Amazon, j’ai trouvé un clavier PCSensor, une marque chinoise bon marché. Son premier avantage : son prix. Je n’aurais pas trop de regrets si j’en commandais un et qu’il ne fonctionnait pas. J'ai opté pour la version 3x2 :

Et là, ça a été une révolution.
Si le document explicatif est imprimé sur du A5 et nécessite une loupe pour le lire ainsi que des connaissances en langue anglaise pour le comprendre, la configuration reste simple. Le logiciel de configuration est téléchargeable sur le site officiel, fonctionne sur MacOSX ou Windows, la version pour Linux n’est pas encore disponible.
Configurer le matériel
Utilisateur de Linux, j’ai dû trouver une machine Windows pour installer le logiciel et configurer mon matériel. J’eusse pu utiliser un navigateur web compatible WebHID – HID : Human Interface Device – comme Edge ou Chrome mais je suis un utilisateur Firefox et je me refuse à installer un autre navigateur juste pour configurer un appareil une fois de temps en temps. J'attendrai patiemment que le WebHID soit intégré à mon navigateur préféré.
Fort heureusement, j’ai une machine spécialement conçue pour Windows destinée à ce genre de situations, pour utiliser des logiciels professionnels qui ne fonctionnent que sur ce système d’exploitation.
Je branche le clavier, j’installe donc le logiciel et je le lance. Là encore, il faut des connaissances en anglais mais le tout reste relativement simple à comprendre, bien plus que Vial.
Le matériel peut être configuré pour enregistrer jusqu’à 3 couches. Point fort du matériel : un petit bouton sur le côté pour passer d’une couche à une autre. Chaque couche possède une couleur qui peut être affichée par les diodes lors de la sélection. 3 couches pour 3 couleurs – rouge, vert, bleu.
Définir les bons raccourcis
Face à cet écran de configuration, la question qui se pose ensuite est de savoir quels raccourcis définir.
Étrangement, les raccourcis que j’ai choisis ne sont pas ceux auxquels j’aurais pensé en premier. Et pour cause : les actions les plus productives sont aussi les plus difficiles à mémoriser.
Après quels essais et mûre réflexion, j’en suis venu à une approche plus rationnelle, non pas par rapport à ceux que j’utilise, mais ceux que je devrais utiliser.
La première question à poser : comment devrais-je utiliser mon ordinateur pour travailler de façon propre ?
D'où la question suivante : que signifie « de façon propre » ? Réponse : de façon rationnelle, efficace et compartimentée.
Pour répondre à ces questions, il faut d'abord faire l'inventaire de tous les raccourcis qui existent, aussi bien dans votre système d'exploitation que dans les logiciels que vous utilisez. Faites la liste de tous ceux qui vous semblent utiles et notez-les. L'objectif n'est pas de faire la liste exhaustive, mais de faire le tri parmi tous ceux que vous pourriez/deviez utiliser afin de gagner en productivité, donc par rapport à l'usage que vous avez de votre ordinateur.
En ce qui me concerne, comme je n’utilise pas les raccourcis, utiliser les bureaux virtuels est assez compliqué, non seulement pour passer de l’un à l’autre, mais pour organiser les applications. Si bien que ces dernières sont là où je les ouvre, sans aucune logique. Si je veux les organiser rationnellement, je dois les organiser par type et je dois donc les glisser à la main, une à une. Fort heureusement, il existe un raccourci pour ça.
Idem pour passer d’un bureau virtuel à un autre. Si l’opération reste simple, elle oblige malgré tout à couper son flux de productivité. Fort heureusement, il existe aussi un raccourci pour ça.
J’ai donc opté pour une approche en entonnoir, du plus large et générique au plus précis. J'ai défini 3 niveaux d'usage.
Premier niveau : tout ce qui concerne la navigation dans l’interface ainsi que son organisation, chaque application devant être placée dans un bureau virtuel défini pour un usage donné. Par exemple :
[SHIFT] + [SUPER] + [↥] (Déplacer la fenêtre à gauche) |
[Super] + [A] (Afficher les applications) |
[SHIFT] + [SUPER] + [↧] (Déplacer la fenêtre à droite) |
[Super] + [↥] (Bureau virtuel à gauche) |
[Super] (Afficher activités) |
[Super] + [↧] (Bureau virtuel à droite) |
Astuce : comme ma main est placée en bas du clavier, je pose préférentiellement les raccourcis les plus utilisés sur la rangée du bas afin qu'ils tombent naturellement sous mes doigts.
Une fois que je suis à un endroit particulier, j’utilise naturellement une application, ce qui me définit le niveau suivant.
Deuxième niveau : tout ce qui concerne les usages généraux relatifs aux applications elles-mêmes : copier, coller, enregistrer, rafraîchir…
[CTRL] + [Z] (Annuler) |
[CTRL] + [A] (Tout sélectionner) |
[CTRL] + [S] (Sauver le document) |
[CTRL] + [X] (Couper) |
[CTRL] + [C] (Copier) |
[CTRL] + [V] (Coller) |
Dans certaines applications, il existe des raccourcis spécifiques pour des actions que j’effectue très souvent. Par exemple, dans LibreOffice, j’insère souvent des espaces insécables.
Troisième niveau : tout ce qui est relatif à des usages spécifiques comme « coller le texte sans mise en forme », ou « insérer un espace insécable », …
L’ergonomie
Lors de la configuration, surtout lorsqu’on débute, on peut avoir tendance à poser les combinaisons comme elles nous viennent à l’esprit, en commençant par les plus utilisées dans l'absolu. Sauf qu’elles ne correspondent pas à celles que vous utiliseriez si vous disposiez de la capacité d’utiliser simplement tous les raccourcis disponibles. Parce que certains sont difficiles à mémoriser, nous ne les utilisons pas, ce qui change notre façon d’utiliser la machine et ceci fausse notre perception des raccourcis utiles.
A contrario, pouvoir les utiliser change notre façon d’utiliser l’interface et change les priorités et les usages. On utilise les raccourcis auxquels on aurait jamais pensés auparavant.
L'ergonomie n'est donc pas innée. Il faut la tester plusieurs fois avant de trouver la bonne. Il existe toutefois des évidences qu'il faut souligner.
Conserver la cohérence spatiale
Placez les raccourcis de façon logique : sur la gauche si l’action s’applique vers gauche, à droite si l’action s’applique à droite. Par exemple :
[CTRL] + [←] (mot précédent) |
action X |
[CTRL] + [→] (mot suivant) |
Si le clavier possède plusieurs rangées : sur la rangée du haut pour une action s’effectuer vers le haut, sur la rangée du bas pour une action s’effectuant vers le bas. Par exemple, dans le cas de Firefox, avec la présentation verticale des onglets activée :
[CTRL] + [↥] (Onglet précédent) |
[CTRL] + [↧] (Onglet suivant) |
Limiter le matériel pour gagner en fluidité
De la même façon, vous pourriez être tenté d'installer plusieurs claviers programmables – un à droite et un à gauche – afin de mieux structurer votre environnement physique. Cependant, si l'idée peut paraître astucieuse, elle peut être contre-productive. Le mieux étant parfois l'ennemi du bien, pour utiliser le second clavier, vous serez probablement obligé de lâcher votre appareil de pointage – souris, pavé tactile, … – alors qu'il serait bien plus productif de combiner rapidement l'usage des deux sans briser votre enchaînement d'actions. Par exemple, une main sur la souris pour diriger la sélection du pointeur, l'autre sur les raccourcis pour effectuer les actions sur la sélection – copier, coller, …
En conséquence, il vaut mieux réfléchir activement à l'usage optimal d'un clavier et son organisation par couche/niveau plutôt que de tomber dans l'excès d'appareils. La limitation du matériel induit une limitation du nombre de raccourcis, ce qui impose une contrainte forte et nécessite une bonne identification en amont des besoins et des usages. Penser son environnemt équivaut à imaginer au mieux la fluidité des enchaînements. D'où la notion de workflow si chère à la philosophie Gnome.
Activer judicieusement le code couleur
Les couches sont identifiées par des couleurs lumineuses dont le comportement est également paramétrable. Il peut être totalement désactivé afin d'économiser de l'énergie, tout comme il peut être actif selon plusieurs modes.
Si les couleurs sont inutiles lorsqu'il n'y a qu'une seule couche, il vaut mieux activer la correspondance si plusieurs couches sont définies afin d'identifier visuellement où vous vous situez sans avoir besoin d'appuyer sur une touche. Le contrôle est alors visuel et vous gagnez du temps.
Choix progressif/itératif des raccourcis
Choisissez les raccourcis à partir de la liste complète disponible et voir ceux qui pourraient être intéressants afin de bâtir un usage cohérent selon les différents niveaux définis, le niveau applicatif dépendant des applications utilisées.
Plutôt que de tous les définir d’un coup, il vaut mieux les paramétrer niveau par niveau et couche par couche, ce qui permettra de les tester progressivement, de manière itérative, sans tout casser à chaque fois. Définissez la première couche, testez-la, puis la deuxième et ainsi de suite. N'ayez pas peur non plus de supprimer des raccourcis qui vous servent peu.
Privilégiez les raccourcis composés de combinaisons de touches. Sauf pour des raisons pratiques, il n’est pas utile de définir un raccourci composé d’une seule touche. Elle existe déjà sur le clavier standard en plus de prendre une place dans l’espace des raccourcis.
Pour ma part, par exemple, je dispose d’une touche « lecture/pause » sur mon clavier : il est inutile de définir le raccourci.
De la même façon, le rafraîchissement de la page web [CTRL] + [R] possédant une alternative [F5], il vaut mieux apprendre à utiliser ce dernier plutôt que de monopoliser un raccourci de trop.
Tester
Penser les raccourcis n’est pas suffisant, il faut ensuite les tester en situations réelles afin de savoir s’ils sont réellement utiles et bien placés.
Il faut donc les définir étape par étape, étage par étage, les tester pour vérifier leur position, s’ils ne viennent pas briser le flux.
Faut-il lever la main de la souris pour utiliser le clavier ?
Les raccourcis les plus facilement accessibles sont-ils ceux que j'utilise finalement le plus ?
Dans tous les cas, il ne faut pas hésiter à réviser régulièrement la programmation et la modifier en conséquence.
Créer/maintenir un Cheat Sheet
« Cheat Sheet », ou « antisèche » en français, est un document qui regroupe l'essentiel de ce qu'il faut savoir.
Lorsqu'on n'a pas une bonne mémoire ou qu'on n'a pas envie de faire l'effort de se souvenir d'éléments sans importance qui peuvent s'avérer pourtant utiles de temps en temps, le plus simple est de disposer d'un document de synthèse.
Dans le cas d'un clavier programmable, la situation étant la même, je vous conseille fortement de créer et maintenir un document qui rassemble vos raccourcis dans la disposition de votre programmation. Générez ensuite une version PDF que vous pourrez utiliser partout et gardez-la avec vous, à portée de main. En cas de doute ou d'oubli, vous pourrez la consulter.
Attention à la disposition du clavier
J'ai paramétré mon clavier programmable sur une machine différente de ma machine cible. En plus d'avoir des systèmes d'exploitation différents, elles disposent aussi de deux claviers différents.
Or, la configuration du clavier programmable dépend de la position de la touche du clavier et non de la touche elle-même.
Un clavier possède un certain nombre de touches dont la disposition dépend de la version/langue utilisée. Mais cette disposition est virtuelle. En réalité, le logiciel qui fait l'interface entre le clavier et l'utilisateur traduit le code de la touche en la lettre à afficher. Ainsi, la lettre A d'un clavier AZERTY correspond à la lettre Q du clavier QWERTY. Les deux lettres A et Q sont pourtant situées au même endroit sur le clavier. Le code technique renvoyé par la touche est le même dans les deux cas. Si vous programmez [CTRL] + [A] – tout sélectionner – sur le premier clavier, vous obtiendrez au final [CTRL] + [Q] – quitter l'application.
Lorsqu'on configure un clavier programmable, il faut donc garder en mémoire que c'est la disposition physique du clavier qui est enregistrée. Si votre système d'exploitation cible utilise le QWERTY et que vous programmez vos raccourcis depuis un système d'exploitation utulisant AZERTY, vous devez penser à effectuer la conversion. Pour cela, il faut raisonner en grille rangée/colonne. Dans les deux cas, 1ère rangée et 1ère colonne.
En cas de doute, vous trouverez sur la Toile des applications en ligne permettant de déterminer quelles touches du clavier ont été utilisées. Vous saurez alors si le raccourci correspond à celui attendu.