Sport, discipline et virilité

Point de vue d'un athlète : la virilité est-elle encore utile ?

Je profite généralement d’une séance d’entraînement ou du petit déjeuner pour suivre – plus par l’ouïe que par la vue – des vidéos YouTube et, ce matin, je suis tombé par hasard sur une vidéo des Philogynes, elle-même une critique d’un ouvrage écrit par un youtubeur que je ne connais pas.

À un moment donné, l’exemple du sport, notamment des sports de combats, est arrivé dans la conversation, avec la question de savoir si la virilité est toujours utile.

Et lorsqu’il s’agit de sport, en tant qu’athlète, je suis immédiatement inspiré.

Qu’est-ce qu’un athlète ?

Un athlète se distingue du sportif par le fait que sa discipline structure l’entièreté de sa vie. Du matin, quand il se lève, au soir quand il se couche, la façon dont il dort, dont il mange, dont il pense et – nous le verrons dans la suite – dont il agit… tout, absolument tout est calculé, étudié et prévu pour garder le maximum de performances pour sa discipline.

C'est d'ailleurs pour cette raison que lorsqu'on parle d'un sport spécifique, on utilise très souvent le mot «discipline». Ainsi, on dira d'un champion qu'il est «champion dans sa discipline».

Comment suis-je devenu athlète ?

Il faut tout d’abord noter que je suis ce qu’on appelle un introverti. Je ne parle pas spontanément aux gens s’ils ne me parlent pas en premier lieu.

Même s’il est difficile de voir la différence de l’extérieur, un introverti n’est pas un timide. Il n’éprouve pas de peur à parler aux gens, il n’en a juste pas besoin.

Parce que je suis introverti, j’ai appris à ne pas attendre les autres pour agir et prendre des décisions pour moi.

Les enfants ont toujours de l’énergie à revendre et le sport est une bonne façon de les occuper et de les sociabiliser. C’est pourquoi, dans à peu près toutes les cultures et les civilisations, sous une forme ou sous une autre, le sport fait partie de l’éducation. Que ce soit sous la forme de gymnastique, de sports de combats, de football, de balle aux prisonniers, de chat perché, peu importe… Nous n’y échappons généralement pas. Et je n’y ai pas échappé.

Si cela a permis de m’y sensibiliser, ce n’est pas ce qui a été le déclic. Je ne suis pas devenu athlète parce que j’ai fait 3 heures de judo par semaine.

Comme souvent, les parents sont nos premiers exemples. Ma mère allait courir le dimanche. Jour de repos parce que jour du Seigneur, elle profitait de cette journée pour faire ce qu’elle ne pouvait pas faire les autres jours, lorsqu’elle travaillait. Et elle profitait du matin se rendre au parc voisin et courir.

Et un jour, j’ai voulu courir avec elle, peut-être parce que c’était un moyen de la voir ; les autres jours, elle était trop occupée à travailler et moi à aller à l’école.

Ainsi, j’ai couru avec elle. Tous les dimanches… et puis, parfois, parce qu’elle était fatiguée ou occupée à autre chose, elle n’y allait pas. Rien ne l’obligeait. Et comme je suis introverti… je n’ai pas attendu après elle pour courir, j’ai donc continué à le faire spontanément, par automatisme, comme un chien bien dressé.

Seul à courir, je n’avais plus à l’attendre et me caler sur son rythme, je pouvais donc pousser la machine plus loin, vers ses limites, à la fois en vitesse et en endurance.

Et j’ai progressivement ajouté d’autres exercices, pour améliorer toujours plus mes performances… jusqu’à discipliner l’entièreté de ma vie.

Aujourd’hui, cette part de moi nécessite 2 heures d’entraînement par jour – parfois plus – , tous les jours, sans aucun repos.

Une discipline du corps...et de l’esprit

Plus je me suis entraîné, plus j'ai été discilpiné et plus j'ai appris que le sport n’a pas que des incidences sur le corps, mais aussi sur le mental.

C’est grâce à lui que j’ai su faire la différence entre mon introversion et ma timidité. Plus j’ai pratiqué, plus j’ai gagné en confiance, en assurance, en détermination.

Parce qu’elle nécessite de pousser le corps dans ses retranchements, l’activité sportive ne promet pas la voie la plus simple. Si vous voulez une vie facile, ne choisissez pas cette voie-là. Restez chez vous, dans votre canapé à regarder la télévision, allongé dans un transat à lire, à aller à la pêche.

Mais la voie qui passe par la discipline du corps est la voie la plus difficile et aussi la plus salutaire car elle apprend que les limites sont généralement des barrières mentales plus que physiques et que rien, jamais rien, n’est jamais définitivement acquis, ni dans le plus, ni dans le moins; ni dans le positif, ni dans le négatif.

Arrêtez de vous entraîner et vous perdez ce que vous aviez si chèrement acquis; continuez de vous entraîner et vous défierez toutes les lois statistiques.

Car, oui, j’ai trahi toutes les statistiques.

Toute ma vie, depuis tout petit, j’ai entendu les gens autour de moi – en dehors du cercle parental – m’expliquer que je ferai comme tout le monde, je choisirai la même voie que tout le monde, parce qu’on ne peut pas lutter contre la nature, les éléments, les destins, la biologie…

Et j’ai systématiquement trahi tous les pronostics. Mais la discipline est plus forte que le jugement et l'avis des autres. On ne fait pas une chose parce qu'on veut la faire, mais parce qu'on doit la faire.

Le jour où je suis devenu «le Coach»

J’étais chez un client qui disposait de douches. J’ai donc profité de l’occasion pour organiser deux séances de course à pied le midi pour m’éviter à le faire le soir.

Deux fois par semaine, donc, mardi et jeudi, à 12:00 exactement, je franchissais la porte de sortie en survêtement pour courir pendant une heure.

Tous les mardis et tous les jeudis.

Quand mes collègues me voyaient passer, ils me disaient : « Ah oui, nous sommes mardi/jeudi, c’est vrai, tu vas courir ! »

Puis, ils ont dit :« Mais tu verras, quand il pleuvra, ou quand il neigera… Que feras-tu ?

— Je suis étanche. Je ne crains ni la pluie, ni la neige.

— Tu verras, tu feras comme tout le monde ! »

Sous-entendu : tu abandonneras, tout comme les autres ont fait avant toi.

Oui, tout le monde me dit ça, mais je ne suis pas « les autres ».

Il a neigé, il a plu, il y a eu des canicules à faire fondre le macadam. J’ai continué à courir, tous les mardis et tous les jeudis.

Lorsqu’il pleuvait et qu’ils me voyaient sortir, mes collègues, autrefois narquois, ont commencé à me regarder différemment.

Lorsqu’il neigeait et qu’ils me voyaient sortir, mes collègues, autrefois narquois, ont commencé à me regarder différemment.

Imperceptiblement.

Et puis un jour, tout a basculé; un jour, l’un d’eux est venu me voir… pour me demander s’il pouvait venir courir avec moi.

Et ce jour-là, j’ai senti un changement, comme un basculement dans la Force. Ce jour-là, très précisément à ce moment-là, j’ai perçu que leur regard avait changé.

Parce que j’avais été indéfectiblement attaché à ma discipline, j’étais devenu très progressivement un repère, comme un phare dans la nuit, un exemple. Ce jour-là, je suis devenu «le Coach».

En anglais, coach signifie «voiture». Quand vous prenez le train et que le chef de gare crie «en voiture !», ce coach-là, celui qui vous guide, celui qui vous emmène, celui qui vous porte !

Qu’avais-je fait de plus ce jour-là ? Rien. Rien de plus que d'habitude. Je n’avais fait que ce que j’ai toujours fait : je m’étais tenu à ma discipline mais, en faisant cela, j’avais trahi toutes les statistiques, tous ceux qui avaient parié contre moi, en faveur de mon abandon, de mon forfait… et qui ont perdu.

Et ça ne m’a rien coûté. Absolument rien. Je ne me suis contenté que de faire ce que j’avais toujours fait, sans aucun effort de plus.

C’est là que j’ai compris concrètement le rôle de la discipline, de l’entraînement. Ce jour-là, j’ai compris que, par ma constance, j’avais influencé le destin des autres. Ils ont décidé de faire ce qu’ils n’auraient pas fait seuls. Parce qu’ils ont vu un autre faire, avec facilité, ils ont surmonté leurs appréhensions. Ça me semblait si facile que ça devait l’être. Alors pourquoi pas eux ! Oui, pourquoi pas !

Un athlète, vous vous souvenez ? Quand les effets dépassent le cadre de l’activité sportive. Eh bien voilà : en les influençant, mon activité a dépassé le cadre de ma simple personne.

Et le plus important : ce jour-là, j’aurais pu être fier de moi. Mais non : j’ai été fier d’eux. Je n’avais aucune fierté pour une chose qui ne me coûtait rien d’autre que la mémoire du muscle et la force de l'habitude.

Vers l’infini et au-delà !

Le sport nécessite une discipline du corps et de l’esprit. Plus l’on pratique, plus l’on apprend que les limitations de l’un et de l’autre sont très souvent sous-estimées. On vieillit moins vite que ce que l’on pense. On ne vieillit pas : on s’empoisonne à petit feu.

Et c’est pourquoi, oui, je confirme : il n’y a rien de plus terrible que de s’accepter tel que l’on est car c’est l’argument facile pour ne faire aucun effort, pour accepter la défaite avant le combat.

Mille fois, j’ai failli me persuader que je ne pouvais pas influencer mon physique, parce que j’étais fait ainsi. Mille fois j’ai failli me persuader que je ne pouvais pas influencer mon mental, parce que j’étais conçu ainsi.

Mille et une fois, je me suis trompé. Il m’a suffit d’un seul contre-exemple pour faire basculer la Force de mon côté, de trahir tous les pronostics, toujours selon la perspective de mon introversion. Pas une seule fois je l’ai fait en pensant à impressionner un autre. Je ne voulais que faire mieux, me coucher le soir en étant meilleur que le matin avec pour seule nature, destin ou génétique que la supériorité de l'interaction parfaite du corps et de l'esprit… et aucune autre. Pas par arrogance, pas par ego, mais par curiosité, par défi de mes propres lois.

La discipline au quotidien

Comme j’ai dit : la discipline dépasse le cadre de l’activité pour déborder au point d’envahir tout le reste.

Comme tout athlète, je me comporte dans la vie professionnelle comme dans ma vie sportive. Je mets la même application dans mon travail, ne me contentant pas du minimum, mais pour améliorer chaque jour un peu, m’approcher un peu plus de la perfection.

Je vois trop souvent des collègues ne se contenter que du minimum, de quoi payer les factures, sans plus. Au travers de leurs actions, je perçois qu’ils n’aiment pas ce qu’ils font ou, ce qui est parfois pire, ce qu’ils sont ou la vie qu’ils ont.

Et parce que je suis appliqué, discipliné et entraîné, je suis respecté et apprécié pour mon travail. De ma discipline est née ma réputation, sans aucun effort de plus à faire que ce que je ne faisais pas déjà avant.

Quand les temps sont durs, qu’il faut travailler intensément, sans rien lâcher, je suis là. On peut toujours compter sur moi. Pourquoi ? Parce que je le peux, parce que c’est facile, parce que j’ai déjà poussé mon corps plus loin et plus fort que ce que la plupart des autres ont pu endurer – de leur plein gré – et plus loin que ce que j'avais pu imaginer.

Je sais que je suis capable, parce que j’ai fait mille fois pire, mille fois plus souvent et mille fois plus éprouvant. Le poids de la vie quotidienne – surtout dans un territoire pacificié comme l'Occident – n'est rien en comparaison du poids de ma discipline quotidienne; discipline qui conduit à un plus grand isolement; isolement que l'introvertion aide à gérer et à supporter au point de passer au travers sans frémir.

La virilité est-elle encore utile ?

Nous en venons à la question initiale, avec pour réponse : Oui, la virilité est encore utile parce que le monde n’a pas changé.

Certes, les dangers ne sont plus les mêmes, mais la guerre guerrière a fait place à une guerre économique. Une entreprise est une entité vivante : elle naît, elle vit, elle meurt. Elle mange pour vivre et peut être mangée. Elle dispose des mêmes mécanismes de survie et de défense et, par cela, elle repose sur les même forces et les mêmes faiblesses que le plus petit d’entre nous.

Les qualités qui ont fait les guerriers d’autrefois font les guerriers économiques d’aujourd’hui.

La discipline qui a autrefois fait le succès des guerriers, fera le succès des guerriers économiques de demain, reposant sur les mêmes entraînements et les mêmes disciplines. Les États-Unis sont le meilleur exemple puisqu'ils utilisent les mêmes stratégies guerrières pour conquérir des parts de marché, les services de renseignement – CIA et NSA – aidant les entreprises nationales à conquérir des territoires économiques, parfois avec l'appui de l'armée…

Tout comme un athlète, un entrepreneur est un individu qui a abandonné mille fois et qui a tenté mille et une fois. C’est celui qui a réussi parce qu’il a d’abord appris à échouer, à se relever, à encaisser les coups et les échecs. On ne se lève jamais un matin pour réussir en claquant des doigts. Avant chaque matin, il y a eu une veille, un jour où il s’est couché meilleur qu’il ne s’était levé.

La force du guerrier et de la virilité sont là : l’avenir n’est qu’une discipline reproduite une fois de plus, un jour de plus, encore et encore, à l'infini. Plus l'on est discipliné, plus on est confiant dans ses propres capacités; plus on est confiant, plus l'on est persévérant… et la persévérance est un des facteurs principaux du succès.

Il n’y a aucun secret, aucune formule magique, aucun mystère, juste du travail jusqu’à ce que l’action devienne une habitude, que l’habitude devienne un réflexe, que le réflexe devienne une seconde nature, que la seconde nature devienne la première.