Recette : l'incontournable tarte aux pruneaux du Jeûne fédéral

Histoire et recette de ce classique de la tradition culinaire suisse

La tarte (ou gâteau) aux pruneaux est devenue un symbole incontournable du Jeûne fédéral en Suisse.

À l'origine, la tarte aux pruneaux était le seul repas de la journée. Consommée le soir, elle permettait de rompre le jeûne tenu au long de la journée. Si le jeûne est de moins en moins suivi aujourd'hui – même s'il gagne à nouveau en intérêt depuis une dizaine d'années pour les bienfaits qu'il apporte –, la tarte aux pruneaux du Jeûne fédéral reste un incontournable de la tradition culinaire suisse.

Histoire

La tradition du jeûne date du Moyen-Âge et avait, à l'origine, pour objectif de faire pénitence.

Au départ, la date de célébration n'était pas fixe et il n'était par rare d'en avoir plusieurs par année. Guerres, mauvaises récoltes, épidémies, … les pénitences étaient souvent motivées par des circonstances diverses, lorsqu'il fallait s'attirer les bonnes grâces du Très-Haut pour bénéficier d'un sort favorable. Dans ce but, on prononçait donc un jour de contritions, de prières et de procession.

En 1639, pour uniformiser et simplifier, la Diète protestante décrète l’introduction d’un jour de jeûne annuel. La Diète catholique en fait de même en 1643. L'objectif était de renforcer l'unité et la solidarité entre les cantons.

Mais ce n'est qu'en 1832 qu'il est décidé d'une date commune pour toute la Suisse, en l’occurrence le troisième dimanche de septembre dans le but de favoriser :

  • l'unité nationale : après les tumultes de la Révolution française et les guerres napoléoniennes, la Suisse cherchait à consolider son unité.
  • la paix religieuse : le Jeûne fédéral devait permettre de dépasser les divisions religieuses et de renforcer la cohésion nationale.
  • la reconnaissance de la souveraineté : une manière pour la Confédération d'affirmer sa souveraineté nouvellement acquise.

Exceptions :

  • Le canton de Genève continue de le fêter le jeudi suivant le premier dimanche de septembre.
  • Le Valais a la particularité d'être le seul canton à ne pas suivre le jeûne fédéral par tradition locale – le Valais dispose de ses traditions religieuses et culinaires spécifiques qui diffèrent du reste de la Suisse –, pour limiter l'impact sur l'économie agricole – le Valais était très largement agricole, le jeûne avait des répercutions sur les revenus des agriculteurs – et d'autonomie – le Valais a toujours revendiqué une certaine autonomie par rapport à la Confédération.

De nombreuses préparations que nous connaissons aujourd'hui sont sous une forme améliorée de recettes originelles dont l'objectif principal était de recycler des restes ou des déchets en période difficile. On prenait ce qui restait et l'on mélangeait le tout. Avec quelques légumes, un morceau de viande de piètre qualité, difficile à découper et à mâcher, on faisait bouillir le tout dans ce qui a donné le pot-au-feu. Le pain rassis était mouillé – lait, vin, jus de fruits, … – puis transformé en dessert – pain perdu, pudding, sii, … – ou bien en plat principal en l'accompagnant de viande séchée, de fromage, etc.

De la même façon, la tarte – sucrée ou salée – est un moyen simple de préparer un repas avec rien. Un peu de pâte à partir de farine, d'eau et quelques exhausteurs de saveur – sucre, sel, graisse, huile, … – sur laquelle on disposait une farce, le tout préparé et cuit à l'avance au four du village.

Pour la garniture, on prenait les fruits de saison : la rhubarbe au printemps, les abricots en été, les pruneaux en automne, les pommes ou les poires en hiver.

Lorsque le jour de diète s'est fixée en Septembre, les pruneaux se sont imposés tout naturellement par leur disponibilité.

Remarque : en Suisse, le « pruneau » désigne le fruit crû, tandis qu'en France il est simplement la « prune », le « pruneau » étant, quant à lui, le fruit séché.

Recette(s)

La traditionnelle

Comme la tarte servait à rompre le jeûne, lui-même privation par définition et humilité dans son symbolisme, cette même humilité devait se ressentir dans la préparation. On allait au plus simple, en utilisant au mieux des produits simples et bon marché. Pas de fioritures !

Ingrédients

Pour la pâte :

  • 200 gr de farine – blanche ou bise, le blé ou d'épeautre* ;
  • 100 gr de beurre ;
  • 1 cuiller à café de sel ;
  • 60 gr de sucre** ;
  • 1 dl d'eau.

850 gr de pruneaux mûrs.

* Comme la tarte était préparée avec ce qu'on avait sous la main, on prenait la farine qu'on avait dans sa cuisine. À cette époque, la farine de blé blanche étant rare et chère, on disposait plus facilement d'autres types de farines, toujours très prisées en Suisse.

** La version alternative avec du dextrose pour limiter l'allergie aux FODMAP est ici inutile puisque les fruits eux-mêmes contiennent des FODMAP qu'on ne peut ni éliminer ni compenser.

Préparation

Mélanger la farine, le sucre et le sel. Incorporer le beurre en petits cubes et sabler le tout avec les doigts pour incorporer la matière grasse.

Ajouter l'eau, mélanger rapidement et former une boule puis laisser reposer environ 30 minutes au réfrigérateur.

Fleurer le plan de travail et étaler la pâte uniformément puis la disposer dans un moule à tarte chemisé. Piquer le fond avec une fourchette.

Laver les pruneaux. Les couper en deux, retirer le noyau. Disposer les moitiés de pruneaux sur la pâte en les faisant se chevaucher.

Cuisson

Préchauffer le four à 180° C chaleur tournante.

Cuire 30 à 40 minutes dans le bas du four. Laisser reposer sur une grille au moins 30 minutes avant de consommer.

Améliorations et variantes

Les pruneaux ont l'avantage de ne pas tremper la pâte au moment de la cuisson. Cependant, par mesure de précaution ou pour rendre le plat plus riche, il est possible d'ajouter un absorbant ou une liaison.

Absorbants

Pour absorber l'excédent de jus, vous pouvez intercaler une couche absordante entre la pâte et les fruits en utilisant de la panure, du sucre, des amandes ou des noisettes en poudre, des biscuits – type Petit Beurre ou Spéculoos  – réduits en poudre après un passage au mixeur, ou bien de confiture.

Cet absorbant – ou isolant dans le cas de la confiture – devient notamment nécessaire lorsque vous disposez d'une plus grande quantité de fruits à étaler sur plusieurs couches. Vous pouvez alors utiliser jusqu'à 1300 gr de fruits pour une seule tarte.

Liaison

 Pour lier les fruits et rendre le tout plus consistant, mélanger :

  • 1,5 dl de demi-crème ;
  • 1 œuf ;
  • 1 cuiller à soupe de fécule de maïs ou de pomme de terre ;
  • 4 cuiller à soupe de sucre ;
  • 1 cuiller à café de pâte de vanille.

Verser la préparation sur la tarte juste avant d'enfourner. Ajouter 10 minutes de cuisson, soit environ 45 minutes à 180° C.

Gâteau aux pruneaux avec liaison à la crème
Gâteau aux pruneaux avec liaison à la crème