Dans une première partie, nous avons vu comment les outils de communication d'entreprise génèrent un stress.
J'ai été dans cette situation-là. J'ai eu la boule au ventre, l'estomac qui se serre. Cette sensation a été mon drapeau rouge, l'indicateur d'une situation très anormale et que je devais trouver rapidement une solution. J'ai donc pris le taureau par les cornes pour appliquer une petite discipline… et faire disparaître le stress à tout jamais.
Voici comment.
Un état d'esprit
Il faut comprendre avant toute chose que notre état d'esprit gouverne notre créativité et notre perception du monde.
Ainsi, j'entends très souvent des gens me dire « Si je dis non, je suis viré ».
Comme nous sommes des êtres sociaux, nous ne cherchons qu'à collaborer. Et pour collaborer, il faut y mettre de la bonne volonté, c'est-à-dire dire « oui ». Et l'on attend de nous que nous disions « oui » par défaut. Tout l'art de la méthode consiste à dire « non » avec subtilité.
Il faut donc commencer par effacer ce mythe de votre esprit : on ne vous licencie pas pour dire « non », mais pour ne pas faire votre travail. L'objectif n'est donc pas de dire « non » pour ne pas faire, mais de dire « non » pour faire mieux. Une fois que vos interlocuteurs auront compris votre méthode, ils seront de votre côté.
Si les outils de communication peuvent être une source de stress, ils peuvent aussi nous aider à reprendre l'ascendant sur notre organisation et sur les autres. En les utilisant à bon escient, avec discipline, nous reprenons le contrôle de la situation et nos interlocuteurs comprennent que notre discipline induisant une efficacité, ils peuvent donc se reposer sur nous. Ce relâchement est aussi une diminution du stress de leur côté. Ils seront contents de travailler avec nous.
Les outils sont au service de l'humain
J'entends très souvent l'argument de ces « outils qui dirigent/contrôlent notre vie ». Non, les outils n'ont aucune volonté propre, aucun pouvoir de décision. Nous les laissons « décider » pour nous parce que nous leur concédons notre pouvoir par facilité. Nous les utilisons de façon superficielle, minimale, pour éviter de passer du temps improductif à contourner l'usage programmé. Or, les usages par défaut des outils de communication professionnelle sont réglés pour répondre aux besoins des entreprises. Et qui impose les caractéristiques idéales des outils professionnels ? Celui qui signe des chèques ou valide l'achat. Ces intérêts, depuis sa vision de monde, sont totalement différents de ceux qui sont en dessous et qui devront les subir et, par conséquent, en souffrir.
Il faut se rappeler en premier lieu que les logiciels sont des outils. Les outils sont au service des humains, et non l'inverse. Il est important de le noter et de le garder en mémoire. C'est l'idée qui pilote la discipline. De l'état d'esprit naît la perception du monde.
Si les outils ne sont que des outils, le problème ne vient pas d'eux car il ne sont que des intermédiaires. À la source, il y a un humain qui a effectué une action. C'est lui le vrai responsable.
Il est comme nous : il a des contraintes, les chefs sur le dos qui n'arrêtent pas de le harceler afin d'obtenir des résultats au plus tôt. Plus que tout : comme nous, il manque de discipline.
Alors nous allons devoir non seulement nous discipliner, mais lui avec. Les deux pour le prix d'un. Ça ne peut fonctionner que de cette façon-là. Heureusement, les outils informatiques sont à notre service, ils vont donc nous aider à discipliner nos interlocateurs contre leur gré.
Définir les plages horaires de disponibilité
Le premier gros problème de la surcharge attentionnelle est lorsque l'activité professionnelle empiète sur le temps personnel.
Les premiers à souffrir durablement du stress engendré par les outils de communication sont ceux qui les utilisent tout le temps, y compris depuis chez eux. Ils ne sont donc jamais réellement « déconnectés ».
Il existe des métiers très exigeants pour lesquels la connexion permanente est requise mais ceux-ci sont très rares. La plupart du temps, cette problématique est plus un défaut d'organisation personnelle qu'une nécessité professionnelle. Dans ce cas, il convient de s'imposer immédiatement des limites durant lesquelles l'usage des outils d'entreprise sera interrompue.
Dans tous les cas, n'installez pas d'outils professionnels sur des appareils personnels. Si l'entreprise exige une connexion permanente, elle doit fournir le matériel adéquat, financé par ses propres deniers. C'est une nécessité en plus d'être un protection juridique en cas de souci technique ou de fuite de données.
Avec deux séries d'appareils, il est ainsi plus aisé de mettre sa vie professionnelle de côté et de ne pas se laisser déborder.
De la même façon, définissez dans votre agenda vos plages de disponibilité ou, plus exactement, d'indisponibilité, c'est-à-dire les plages où vous n'êtes pas disponible, afin d'éviter toute séance en dehors des heures « raisonnables ». En dehors des plages de disponibilité, n'utilisez aucun outil professionnel lié à votre entreprise. Vous n'êtes présent pour personne. Vous pouvez seulement vous permettre de contacter des collègues pour prévenir d'une absence inopinée ou d'un retard.
Refuser les communications directes et instantanées
Couper/désactiver toutes les communications
La communication instantanée échappe à notre contrôle. Le simple de fait de recevoir un appel, même sans y répondre, déconcentre et augmente la charge attentionnelle.
Il faut donc réduire toute communication instantanée au silence.
Pour le téléphone, en réglant le volume au minimum.
Pour le courriel, en coupant les notifications de nouveau message et en mettant en place des règles de tri automatique des messages afin de mettre de côté tout ce qui n'est pas utile. Par exemple : tous les messages pour lesquels vous êtes en copie.
Pour la messagerie instantanée, en coupant également les notifications, et en utilisant les statuts à bon escient. Par exemple : si vous pouvez – et l'option est généralement de plus en plus disponible – passez en DND – Do Not Disturb = Ne Pas Déranger. Cette option, lorsqu'elle est couplée au téléphone, coupe la messagerie instantanée et le volume du téléphone.
Faire travailler votre chef/responsable pour vous
Le responsable direct a pour rôle de protéger les individus dont il a la responsabilité. C'est pourquoi il est payé plus, pour le risque supplémentaire qu'il prend pour les autres. Dans ce sens, il est à votre service quand il s'agit de vous protéger des perturbations extérieures.
De plus, votre responsable devant rendre des comptes, il est généralement tenu d'être au courant de tout. Il y a donc de fortes chances qu'il soit déjà au courant de tout, avant vous. Inutile de faire le travail deux fois. Vous pouvez compter sur lui pour vous rappeler les urgences. Il ne vous reste plus qu'à noter les tâches à effectuer dans un coin, votre to-do list.
Donc, lorsqu'une personne vous contacte directement pour obtenir quelque chose de vous, par le circuit court, renvoyez-le vers votre responsable qui se chargera de gérer la situation. Cette mise en relation directe permettra de satisfaire leur besoin d'information en temps réel.
Si vous avez besoin d'une communication directe avec une personne, c'est à vous de l'initier. Dans tous les autres cas, les communications non sollicitées devront passer par votre responsable autant que possible.
Note : si vous êtes le responsable, alors cette redirection n'est pas faite pour vous. Vous devrez gérer frontalement les requêtes destinées à vos protégés. C'est votre rôle, vous êtes payé pour cela. Le mot « responsable » vient de la contraction de « response-able », c'est-à-dire « celui qui a la capacité d'apporter des réponses ». Vous êtes donc le bouclier derrière lequel ils peuvent se cacher et vous devrez rendre des comptes à leur place. En revanche, les autres recommandations sont tout aussi valables pour vous.
Matérialiser les implications
Maintenant que vous avez coupé les communications non sollicitées et renvoyé les impatients vers votre responsable, vous pouvez passer à l'action.
Si vous êtes constamment sollicité, c'est parce que l'effort à produire pour vous déranger est faible et que les conséquences sont quasi-inexistantes. Il ne coûte presque rien de demander.
Si vous dites « non », d'une manière ou d'une autre, votre refus sera mal perçu. Dans un contexte collaboratif, le « non » est considéré comme rude ou inacceptable parce qu'il est synonyme non pas de refus mais de non-action.
Il convient donc de renverser la situation en rassurant l'interlocuteur.
Créer un ticket
Pour chaque demande nouvelle, créez un ticket et transmettez le numéro au demandeur en précisant qu'il servira de référence pour tout échange à venir.
Il existe des outils pour la gestion des tickets. Il y a de fortes chances que votre entreprise en possède un. Si ce n'est pas le cas, faites la proposition d'en installer un. Ces outils sont généralement gratuits. La problématique est plus d'ordre technique que financier.
Si vous ne disposez pas de cet outil, vous pouvez utiliser votre courriel pour remplacer. Conservez le message de référence et utilisez-le pour rappeler le sujet à chaque fois que nécessaire. Si le sujet n'est pas clair, définissez le nom du sujet ou du projet de façon non équivoque afin de servir de référence.
Pour conserver ce message, vous pouvez le placer dans un répertoire spécifique de votre messagerie ou lui donner un statut particuler. Votre messagerie vous sert de to-do list. Nous verrons plus loin comment la conjuguer à l'agenda.
Si vous disposez d'un ticket par l'intermédiaire un outil spécifique, votre interlocuteur devra vous interpeller avec ce numéro de ticket et pas « À propos de mon sujet ». Vous avez des dizaines de sujets à traiter, vous n'avez pas à les retenir par cœur. À lui de se souvenir ou de conserver dans un coin le numéro de son sujet. Sitôt qu'il vous abordera, commencez donc par lui demander son numéro de ticket et insistez jusqu'à ce qu'il vous le donne.
Ce ticket sera aussi le point d'entrée de toute nouvelle information, de tout changement de statut. Utilisez-le comme pense-bête, pour mettre en évidence le manque d'informations, les questions en suspens, etc. Le numéro de ticket apparaîtra dans le sujet de tous les courriels échangés sur le sujet. Le suivi et la recherche seront ainsi facilités.
Définir l'urgence
Votre interlocuter vous a contacté pour effectuer une tâche. Bien entendu, cette tâche est « urgente » et il la veut pour hier.
« Urgent » ne signifie rien en soi. Demandez à votre interlocuteur la date maximale à laquelle son sujet doit être traité. Cela vous permettra de définir plus facilement l'urgence et de l'ordonner dans vos tâches.
S'il vous donne une urgence immédiate, renvoyez-le vers votre supérieur qui devra négocier les sujets urgents et revenir vers vous avec les priorités après négociation avec les différents intervenants.
Si votre interlocuteur vous répond « Le plus rapidement que vous pouvez » ou « Quand vous pouvez », alors posez-lui par défaut une date « dans 2 mois ». Tout d'abord parce que ça lui permettra de se rendre compte que vous êtes très occupé, ensuite parce que sa réponse est une façon pour lui de transférer la responsabilité sur vos épaules ; il convient donc de la replacer sur la sienne et d'obtenir une réponse claire de sa part. Il fera donc la grimace à l'énonciation de votre délai et vous demandera une date plus proche. Petit à petit vous obtiendrez de lui une vraie réponse.
Deux cas s'offrent à vous :
La tâche est urgente – moins de 48 heures : renvoyez-le vers votre supérieur qui se chargera de négocier/définir les priorités.
La tâche n'est pas si urgente : placez-là dans votre to-do list et renvoyez l'interlocuteur vers votre responsable pour aplanir le sujet – créer le ticket, rassembler les informations existantes, etc.
Définir une séance de travail
Vous avez donc votre liste de tâches à effectuer.
Pour chaque nouvelle tâche, estimez rapidement le temps nécessaire pour attaquer son sujet – par exemple 2 heures – et posez une séance dans votre agenda pour réserver votre temps et éviter toute autre séance concurrente qui vous interromprait dans votre concentration.
Important : Cette étape est le premier point central de votre discipline. Cette organisation permet de préserver votre charge attentionnelle. Quelle que soit la façon de procéder, organisez-vous pour travailler par plage de temps, sujet par sujet. Rejetez tout le reste.
Alors que vous planifiez cette séance dans votre agenda, verbalisez votre action au téléphone, avec votre interlocuteur : « Je pose une séance dans mon agenda tel jour, de telle heure à telle heure afin de travailler sur votre sujet X ». Puis, ajoutez-le comme participant non obligatoire, toujours en verbalisant et en le justifiant « Je vous mets en participant afin de pouvoir vous contacter si j'ai des questions à vous poser ». Prévenez-le : « Serez-vous disponible pour répondre à des questions éventuelles ? Si vous ne l'êtes pas, je devrai décaler votre sujet à plus tard ».
Il est ainsi donc prévenu : moins il sera disponible, plus son sujet sera repoussé. Chaque indisponibilité de sa part entraînera des pénalités pour lui.
Une fois la séance définie, elle apparaîtra également dans son calendrier et il percevra, au moins inconsciemment, que son sujet requiert de votre temps, de votre énergie et que tout n'est pas instantané et gratuit. Il prend conscience de la charge de travail que cela représente pour vous. Et comme il doit être disponible pour répondre à vos questions, votre implication requiert de la charge attentionnelle de sa part car il doit surveiller en tâche de fond que vous ne l'avez pas contacté pour lui poser des questions.
Petit à petit, votre agenda se remplit avec toutes vos tâches à réaliser. Vous disposez alors d'une vision globale de tout ce que vous avez à faire. Et comme votre agenda se remplit, vous évitez que d'autres personnes ne posent des séances à ce moment-là. S'ils le font, vous aurez tout le loisir de rejeter leur proposition.
Utiliser un statut pour communiquer l'activité en cours
Une fois l'heure de la séance arrivée, changez votre DND de messagerie instantanée par un libellé en accord avec le sujet défini : « Travaille sur le sujet X ». Votre interlocuteur verra alors que vous êtes impliqué exclusivement sur son sujet et que personne ne peut vous déranger. Cette exclusivité le valorise en plus de le rassurer sur votre implication. Ça valait bien le coup d'attendre.
Important : Cette étape est le deuxième point central de votre discipline. Non seulement vous avez défini une plage de travail en durant laquelle il n'est pas autorisé de vous déranger, mais vous rassurez votre interlocuteur lorsqu'il voit que son sujet est pris très à cœur parce que personne ne peut vous déranger quand vous travaillez sur son sujet.
Si la durée prévue n'est pas suffisante, replanifiez une nouvelle séance, et ainsi de suite.
Condensé
Voici donc la méthode en condensé :
- Ne pas installer d'outils professionnels sur des appareils personnels.
- Définir des horaires raisonnables dans votre agenda.
- Couper les communications instantanées et les notifications.
- Rediriger les interlocuteurs vers votre responsable qui devra gérer les sujets et définir les priorités.
- Créer un ticket pour chaque sujet. Utiliser ces tickets pour créer une to-do list.
- Planifier des plages de travail pour chaque sujet. Placer ces plages dans l'agenda pour réserver du temps et éviter les conflits calendaires.
- Changer le statut de la messagerie instantané par celui du sujet en cours, conformément à l'agenda.