Travailler en équipe ?

Et vous ?

Lors d'un entretien de recrutement, il n’existe pas un seul client qui oublie de me demander si je sais travailler en équipe.

J’ai toujours été étonné par cette question.

Plus je gagne en expérience, plus je me rends compte que la question est mal posée. En définitive, même si elle peut paraître simple, elle ne l'est pas tant que ça !

Voyons pourquoi…

Qu’est-ce qu’une équipe ?

Parce que le problème de cette question n’est pas la question elle-même, mais la définition derrière le mot. On ne peut pas répondre à une question si on ne sait pas d'abord de quoi on parle.

Qu’est-ce qu’une équipe ? Personne ne le définit jamais.

Pourquoi ? Parce que c'est évident ? Il n’existe aucune évidence à part celle de dire une bêtise.

Sans cette définition, la question n’a pas de sens parce qu’on peut mélanger des choux et des carottes.

Cette question permet pourtant de mettre en évidence deux univers, chacun ayant ses contraintes.

Pour un individu comme moi, en bas de la hiérarchie, évoluant dans les bas fonds de la technique et de la mécanique, la définition n’est pas la même que celle d’un individu en haut de la hiérarchie, tout comme un médecin ne voit pas le monde de la même façon qu’un administrateur d’hôpital.

Le médecin doit sauver des vies, coûte que coûte; l’administrateur doit répartir au mieux des ressources, limitées par définition. Une vie a un prix et, en fonction de cela, il devra faire des choix.

De la même façon, je suis payé pour faire en sorte que la mécanique fonctionne. On m'appelle quand ça va mal pour remettre le système sur pieds. Et mon client me paie pour ça. L’argent ne pousse pas sur les arbres, la ressource étant par conséquent limitée, il faut compter les sous et donc compter les points, bons comme mauvais.

Et cette vision est radicalement différente, même au niveau d’un chef de projet qui est – ou sera – mon N+1.

Pour lui, tout n’est que ressource humaine, chacune ayant un coût, dont le tarif sera prélevé sur une enveloppe affectée, dont le montant doit être justifié… pour ses ressources à lui et seulement les siennes. Pas question de payer pour celles d'un autre.

Ainsi donc, de mon point de vue, mon équipe représente toutes les personnes avec lesquelles je suis amené à travailler au quotidien, peu importe leur position géographie ou leur enveloppe comptable. Je travaille avec elles, elles sont donc dans mon équipe car nous sommes dans la même galère – parfois au sens littéral. Notre monnaie d'échange n'est pas l'espèce sonnante et trébuchante, mais la confiance, l'entraide, le retour d'ascenseur.

Pour le gars en face de moi, en revanche, il s’agit des personnes gérées par son enveloppe, donc un périmètre plus restreint, et uniquement celles-ci.

Une question de perspective

Un même mot qui cache deux perspectives et donc deux réalités.

Cette différente amènera à des frictions voire des limitations, désignées généralement sous le terme « silos ». N’appartenant pas aux mêmes silos, je devrai alors limiter mes échanges, mes largesses, au risque d'être contre-productif en devenant un comptable méprisant, prêt de ses sous et donc mal aimé.

Si je veux pouvoir continuer à effectuer mon travail avec la qualité pour laquelle je suis payé, il me faudra œuvrer pour travailler avec intelligence, appuyant de façon subtile sur le bouton de l’ascenseur; il me faudra cacher certains coûts de mes échanges, le temps passé avec les autres ne pouvant pas être facturé pour des raisons d’enveloppe budgétaire.

La bonne réponse

Paradoxalement, la première personne qui me pose la question sur ma capacité à travailler en équipe… sera la première à me limiter ou m'empêcher de le faire.

Alors, à la question « Savez-vous travailler en équipe ? », la bonne réponse doit être : « Moi, oui ! Et vous ? »