Athlète et végétarien

Est-il possible d'être à la fois athlète et végétarien ?

Je vois régulièrement des reportages et des interventions à propos des bienfaits du végétarisme sur le corps et sur la planète, notamment par rapport aux problèmes climatiques et à l' épuisement des ressources naturelles.

Certes, l'homme étant omnivore et la nature étant bien faite, il est tout a fait possible d'obtenir les nutriments nécessaires sans manger de viande. Cependant, on oublie souvent de dire qu'on ne peut pas transposer simplement l'apport de protéines par la viande et par le végétarisme sans tenir compte du reste.

Or, lorsque vous êtes un athlète, les choses ne sont pas exactement aussi claires et simples et la comparaison ne peut pas se limiter à un simple apport de protéines.

Avant toute chose…

Avant toute chose, je dois avouer que j'ai été longtemps végétarien, non pas par valeur – bien que je sois sensible à la condition animale – mais essentiellement par style de vie. Je ne mange que des plats que je prépare moi-même, à partir de produits frais non transformés. Et comme je fais les courses une fois par semaine, la viande ne se conserve pas aussi longtemps. Sans compter les quelques abus de l'industrie pour améliorer la rentabilité de façon artificielle en nourrissant des herbivores avec des protéines animales et les conséquences qui ont suivi.

Donc j'ai arrêté d'en acheter pour des raisons pratiques. Et ça allait plutôt bien jusqu'à ce que j'atteigne un palier dans mes performances sportives. Et là, j'ai vu assez vite que mon alimentation n'était pas adaptée. Il me fallait plus de protéines pour construire plus de muscles et les réparer plus rapidement. Pouvoir m'entraîner plus près des limites sans user le muscles que j'avais si durement acquis.

Le contexte est maintenant posé.

La rareté des protéines

Par leur rareté, les protéines sont de loin les nutriments qui façonnent notre alimentation quotidienne. En effet, contrairement aux glucides et lipides qui sont des chaînes carbonnées, les protéines incluent en plus de l'azote –  et du soufre pour certaines – et il n'existe aucun équivalent pour former ou remplacer muscles, peau, ongles, tissus conjonctifs…

Leur rareté provient essentiellement du fait qu'elles incluent des éléments supplémentaires, produisent peu d'énergie durant le catabolisme et en nécessitent beaucoup pour l'anabolisme. Et la plupart des animaux sont incapables de biosynthétiser des protéines par eux-mêmes et doivent les récupérer depuis leur alimentation. Ainsi, les protéines apparaissent et interviennent à la suite d'une longue chaîne de métabolisme, une succession de transformations qui leur permettrent de se concentrer au fur et à mesure qu'on monte dans la pyramide alimentaire.

De plus, notre carrure et notre bio-mécanique imposent une quantité de protéines importante pour maintenir notre simple fonctionnement. Et pour des raisons énergétiques, nous devons consommer des aliments riches en protéines mais pauvres en autres nutriments afin d'entetenir notre structure sans pour autant apporter un exédent énergétique qu'il faudrait ensuite stocker inutilement.

Les protéines sont trop rares et trop précieuses pour être utilisées comme carburant de base. Cette fonction est avant tout occupée par les glucides et les lipides, les protéines servant essentiellement à l'anabolisme, sauf lorsque la famine a épuisé les dernières ressources disponibles et qu'ils ne reste plus que ces dernières pour survivre.

Les contraintes d'un entraînement intense

L'athlète doit s'entraîner – quasiment – tous les jours. Il ne s'agit pas simplement de faire du sport, mais de suivre un entraînement régulier de plusieurs heures par jour.

En ce qui me concerne, mon entraînement occupe entre 20 et 22 heures par semaine – et plus encore quand je suis en vacances – , ce qui reste peu par rapport à des entraînements de professionnels qui peuvent monter jusqu'à 4 ou 5 heures par jour. Toutefois, à la différence du sportif, l'activité sportive de l'athlète déborde en dehors de son activité et régit toute sa vie. Il n'est donc pas possible de manger n'importe quoi n'importe quand. Chaque repas est étudié et calculé précisément. Le corps humain est une mécanique de précision : toute variation se paie immédiatement.

En ce qui me concerne, mon régime alimentaire suit les contraintes suivantes : pas de glucides après midi – sauf un peu juste avant l'entraînement du soir pour des raisons de performances; lipides au minimum; pas de sel; pas de sucre raffiné. Les deux dernières contraintes excluent à elles seulent tous les plats et produits industriels.

Quels aliments pour compenser ?

Quand on cherche les aliments capables de remplacer la viande par leur apport en protéines, on trouve généralement : Le soja (18/100), le seitan (75/100), les lentilles secs (15/100), les amandes (21/100), les noix (17/100), le quinoa (15/100), les pois cassés secs (11/100), l'avoine (17/100)…

Tout ce qu'il faut pour une alimentation variée, me direz-vous. Tout va bien.

Sauf que…

Pour un athlète normalement constitué, il faut consommer environ 150 à 200 gr de protéines par jour.

Ensuite, pour 100 gr des aliments en question :

Amandes : 50 gr de lipides; avoine : 61 gr de glucides; noix : 63 gr de lipides; tofu : 10 gr de lipides; seitan : introuvable; pois cassés : 23 gr de glucides; lentilles 35 gr de glucides; quinoa : 68 gr de glucides…

En plus de l'apport en protéines, il faut donc compter l'apport en glucides et en lipides. Et c'est là que les comparaisons ne jouent pas car, pour un athlète, tout supplément en nutriments devra se payer d'une façon ou d'une autre soit en prenant du poids, soit en devant s'entraîner plus pour perdre le supplément.

Par exemple, pour 170 gr de protéines – ma ration quotidienne pour ma masse et mon intensité d'entraînement –, je devrais absorber :

Tofu : 900 gr dont 90 gr de glucides; lentilles : 1,1 kg, dont 400 gr de glucides. Comme je dois éviter la prise de glucides après-midi, cela exclut lentilles, pois cassés. Idem pour les lipides – donc les oléagineux – que je dois maintenir au minimum. Ces derniers servent juste à ajuster le régime lors d'un entraînement de longue durée – comme la course à pied.

Alors que pour les viandes :

Blanc poulet : 25 gr de protéines, 1,5 gr de lipides, pas de glucides; thon : 23 gr de protéines, 0,5 gr de lipides, pas de glucides; blanc d'œuf : 10 gr de protéines, pas de glucides, pas de lipides; porc : 21 gr de protéines, 3,5 gr de lipides, pas de glucides; bœuf (viande hachée) : 19 gr de protéines, 18 gr de lipides, pas de glucides.

Je ne mange pas de viande rouge car j'aime la viande bien cuite et la viande rouge bien cuite est souvent très dure – ou alors, il faut une prépération spéciale est prend plus de temps. La viande hachée est donc la seule que je puisse préprarer sans obtenir une viande dure comme de la semelle, avec l'inconvénient de contenir plus de lipides. Je la réserve donc quand je ne trouve vraiment rien d'autre même si elle reste cependant acceptable puisqu'elle n'apporte pas de glucides.

Le tofu est probablement le seul et le plus proche aliment qui permette à la fois d'avoir une bonne ration de protéines, sans avoir trop de supplément. Il reste cependant que c'est plus cher que la viande et qu'il contient plus de sel – car c'est un produit industriel. Et puis il en faudrait au moins 500 gr par jour. Sans compter qu'il peut avoir une influence hormonale contre-productive.

Tout le reste est trop fortement chargé en glucides et lipides et oblige à faire des calculs d'apothicaire pour compenser avec autre chose. Et ces calculs atteignent vite leurs limites.

Conclusion

La viande, par son apport quasi exclusif en protéines, reste un aliment essentiel pour bien contrôler son régime alimentaire. Bien entendu, elle ne se suffit pas à elle seule – car elle reste coûteuse – et nécessite souvent un apport complémentaire sous forme de poudre. Cette poudre est généralement un sous-produit du lait qui peut être incompatible avec certains régimes végétaliens.

Pour ma part, j'ai dû opter pour la réintroduction de viandes dans mon régime, même si ça dans des quantités modérées. Cependant, la viande, lorsque le morceau est bien choisi, permet de n'apporter que le nutriment sélectionné et permet un contrôle accru du régime alimentaire pour garder des performances optimales. Et sans performances optimales, pas de progression possible.

Bien entendu, il ne s'agit ici que de mon exemple personnel. Le régime alimentaire est unique et particulier à chaque individu en fonction de son activité physique et ses objectifs. Dans mon cas, le végétarisme ne satisfaisant pas pleinement mes objectifs, j'ai dû réintroduire des protéines animales, essentiellement sous forme de poudre de protéines de petit-lait et d'œufs. La viande reste un supplément exceptionnel mais pour ajuster ma ration de protéines.