J’ai mal aux genoux. J’ai toujours eu mal, aussi loin que je m’en souvienne. Ça doit donc au moins dater de l’adolescence.
Ça n’empêche pas de vivre. Un athlète apprend à vivre avec la douleur et s’en servir comme indicateur d’entraînement, de pause, de repos. Par la force de l’habitude, il est capable de la situer, de la cibler, de l’estimer et de déterminer le degré d’urgence ou de danger.
Ainsi, même si elle était handicapante, cette douleur ne m’inquiétait pas plus que cela : aucune raison que ce soit une arthrose, même précoce ; la douleur n’est pas située à l’intérieur de l’articulation, mais juste au-dessus de la rotule, sur le ligament.
Mais elle était handicapante : les douleurs se faisaient ressentir dans tous les moments de la vie : monter ou descendre un escalier, s’asseoir – ou se lever d’une chaise –, s’accroupir, courir… Bref, dès qu’il fallait plier le genou, la douleur survenait, même lorsque les efforts étaient faibles.
J’avais l’impression d’être déjà un vieillard sans aucune raison de l'être…
Les ischo-jambiers…
Comme j'ai dit : un athlète apprend à vivre avec la douleur et sait par conséquent l'estimer. Et cette douleur n’était pas située à l’intérieur du genou. Ce qui était atypique et encourageant. Elle ne semblait pas non plus survenir à cause d’un entraînement trop intense. Les squats, au lieu d’intensifier la douleur, la soulageait – ce qui est généralement typique d'une tendinite. En revanche, les douleurs se faisaient plus vives lorsque j’avais moins d’activité physique.
Après quelques recherches, j’ai trouvé que c’était un problème courant qui survient lorsque les ischio-jambiers sont trop courts. Ça arrive. Ce n'est pas rare. Ça peut être dû à la sédentarité ou à une prédisposition.
…trop courts !
Les ischio-jambiers sont des muscles situés à l‘arrière des cuisses, ancrés dans le bassin d'un côté et le fémur de l'autre, qui servent essentiellement à la posture verticale. Ils sont conçus pour être contractés. Lorsque le genou est en extension, ils sont étirés. Cette tendance naturelle les poussent à se raccourcir lorsque les genoux sont pliés.
Lorsqu’ils sont contractés, ils tirent pour plier le genou. Le quadriceps doit alors lutter pour tendre la jambe lors de l’extension – marche, course, etc. En se contractant, ce dernier tire sur le ligament qui le relie au fémur. Cette tension constante produit alors cette douleur sur le ligament.
Mais ce n’est pas tout !
Les ischio-jambiers sont reliés de l’autre côté au bassin. S’ils sont trop court, ils l’empêchent de basculer. Or, lorsqu’on a mal aux genoux lorsqu’il faut les plier, alors on évite naturellement de s’accroupir pour attraper un objet au sol. On préfère se pencher. Et pour se pencher, il faut basculer le bassin, qui tire alors sur les ischio-jambiers. La tension alors exercée oblige à courber le dos plutôt que de basculer le bassin, ce qui provoque lombalgies et lumbagos.
Mes problèmes récurrents de dos s’expliquaient aussi.
Ces problèmes étaient amplifiés par mon travail de bureau. Être assis toute la journée favorise la détente des ischio-jambiers et les incitent à se raccourcir encore plus.
Au travail !
Sachant cela, je prenais alors conscience de l’origine de mon problème et je me trouvais dans la capacité de savoir quoi ressentir. Je pouvais constater que lorsque je marchais, je sentais effectivement une tension à l’arrière des cuisses. Ce qui m’avait paru normal et naturel durant tout ce temps ne l’était donc pas et mon objectif était de faire disparaître ces tensions.
Il était temps de changer quelque chose !
La seul possibilité était de pratiquer des étirements. Visiblement, ceux que pratiquaient durant mes entraînements ne suffisaient pas.
Plutôt que 2 ou 3 séances hebdomadaires, j’ai opté pour des séances courtes, mais fréquentes, d’étirements des ischio-jambiers.
Conséquence : 3 à 5 minutes d’étirements toutes les 2 à 3 heures, chaque jour. Je peux avoir l’air un peu ridicule à m’étirer devant mes collègues de bureau… mais le ridicule ne tue pas.
Conséquences
Disparition de la douleur
Au bout d’une demi-journée, j'étais enfin capable de monter et descendre les escaliers sans ressentir de douleurs.
Au bout d’une journée, j'étais capable de marcher sans trop ressentir de tensions. Marcher devenait d’ailleurs plus facile. J’avais l’impression de peser moins lourd, de moins lutter contre la gravité et d’avoir plus d’amplitude dans l’extension du genou. Tout devenait plus facile et moins douloureux.
Le premier soir, même si j’avais encore quelques appréhensions, j’étais capable de m’accroupir sans ressentir de douleur. Il ne restait qu’une légère tension, une petite gêne tout au plus, mais rien de comparable avec ce que j’avais vécu jusque-là.
Diminution de bruit articulaire
Mes articulations faisaient du bruit. J'y étais habitué. Ce n'était pas douloureux. Avec les étirements, ces bruits ont disparu au bout de 4 jours.
Ce n'est pas non plus étonnant. La tension excercée par les ischo-jambiers additionnée de celle du quadriceps tirait le fémur en permanence et excerçait alors une pression au niveau de l'articulation.
En diminuant la tension, je diminuais la pression. Les articulations sont désormais plus silencieuses et plus souples.
Conclusion
Un traitement à vie
J'ai été étonné que les douleurs disparaissent aussi rapidement. Même si une légère tension persiste encore – une douleur installée depuis des années ne disparaît pas du jour un lendemain –, c'est sans commune mesure. Cette expérience positive vaut donc bien un petit article.
En contrepartie, je dois me discipliner à étirer mes muscles. C'est nouveau, mais ça fait partie du «traitement»; probablement à vie. Mais on a rien sans rien.
La réadaptation
La douleur ayant fortement diminué, mes repères ont disparus.
Auparavant, la douleur servait de garde-fou à la flexion moyenne du genou, ce qui fait que j'ai toute une zone d'amplitude qui a perdu l'habitude d'être sollicitée.
La disparition de la douleur me permet de m'aventurer dans des exercices nouveaux, entraînant peu de sensations – ce qui était l'objectif désiré. Cependant, mon corps n'étant pas habitué à cette sollicitation nouvelle, le muscle est un peu affaibli et ne ressent aucun «retour» ce qui me donne l'impression que genou chancelant ne me soutiendra pas longtemps et qu'il va lâcher d'un coup, peut-être même avec une rupture sans avertissement.
Paradoxalement, l'absence de limite me place dans une situation d'inconfort de laquelle je vais devoir me réadapter et reprendre confiance en mes propres capacités.