La passion et l'ennui

Peut-on s'ennuyer quand on est passionné ?

À chaque fois que je passe un entretien d’embauche, même si le recruteur reconnaît ma compétence technique et mon expérience, je fais face à 2 critiques majeures. Dans 2 cas sur 3, il me dit: «le trajet ne vous fatigue pas ?». Dans le tiers restant: «Vous n’avez pas peur de vous ennuyer ?». Comme si le fait d’avoir des buts dans la vie, de faire des choses chez soi, d’avoir des passions, notamment son métier, était un handicap qui rendait l’environnement professionnel quotidien fade, ennuyeux.

J’ai de la chance : j’aime mon métier. Je l’exerce depuis un certain nombre d’années. Je me présente toujours pour faire la même chose –ou presque– que depuis le début de ma carrière, sans jamais me lasser ou demander plus de responsabilités. Et comme mon travail reste assez de bas niveau, «manuel» pourrait-on dire –même si d’un point de vue technique il est plutôt «digital» puisque j’utilise mes doigts–, on s’attendrait, avec mon expérience et mon recul, à ce que j’aspire à autre chose et que le poste que je convoite n’est, en définitive, ni plus ni moins qu’un poste pour fuir autre chose plutôt que pour adhérer à un changement. Et donc, la conclusion logique : je ne resterai pas –et donc ma candidature n'est pas retenue.

En plus de me coûter une place potentielle, je trouve toujours cette idée assez curieuse. Pas idiote. Cette idée est tout à fait logique et a du sens si elle est placée dans le contexte de mon interlocuteur. Mais elle est curieuse car elle est contre-intuitive si on se place du côté de l'individu passionné.