Kaizen (改善) : bouilloire vs induction, le match

Laquelle des deux est la plus efficace ?

Avec le réchauffement climatique et l'épuisement des ressources fossiles, la question de l'efficacité énergétique devient centrale pour consommer moins tout en limitant les effets sur notre style de vie. Elle en devient même un pilote – nous allons voir comment et pourquoi.

Mais il n'y a pas de formule magique pour déterminer l'efficacité énergétique car elle dépend de chacun, selon son mode de vie et de consommation.

Comme la question est individuelle, la réponse l'est tout autant et c'est là que les cours de maths et de physique que nous recevons à l'école entrent en jeu – pour ceux qui se demandaient à quoi ça sert.

Nous allons voir comment déterminer assez simplement laquelle de la bouilloire électrique ou la plaque à induction est la plus efficace pour chauffer de l'eau et quelles en sont les conséquences.

Bouilloire/induction : pourquoi ce choix ?

Parmi les méthodes de chauffage, la bouilloire électrique et l'induction sont les deux méthodes les plus efficaces car elles chauffent le contenu par contact direct, la première parce qu'elle est conçue pour, la seconde par sa technologie qui chauffe le corps de la casserole grâce à l'induction électromagnétique, induisant alors un chauffage par contact direct du contenu, de la même façon que la bouilloire.

Matériel

L'efficacité énergétique est liée au réel, au concret. Tout calcul sur le réel implique une mesure de celui-ci en premier lieu.

Il faut donc mesurer.

Pour mesurer, j'utilise un Steffen DEM 1499, appareil qui permet de mesurer la consommation électrique d'un appareil. Parmi les mesures il y a :

  • l'intensité (en V);
  • la tension (en A);
  • la puissance consommée (en kWh).

Il faut aussi un thermomètre pour mesurer la température de l'eau, un chronomètre pour mesurer le temps écoulé et une balance pour mesurer la masse d'eau.

La bouilloire

Il y a plusieurs méthodes pour mesurer l'efficacité énergétique.

Méthode de la puissance instantanée

La puissance instantanée est la puissance à l'instant de la mesure. Pour déterminer la quantité d'énergie totale consommée, il suffit de multiplier par la durée, ce qui suppose que la puissance instantanée soit constante dans le temps.

Il se trouve que la bouilloire étant un appareil simple, elle chauffe de façon constante, au maximum de ses capacités, à partir du moment où son interrupteur est activé.

Les mesures indiquent :

  • intensité (I) : 8,450 A;
  • tension (U) : 232 V.

Les équations nous disent que la puissance correspond à :

P = U x I – P étant la Puissance, exprimée en Watts (W).

Ce qui signifie : P = 232 x 8,450 = 1960 W.

Un Watt est l'énergie déployée par unité de temps. L'énergie est mesurée en Joules (J) et le temps en secondes (s).

1 Watt est ainsi l'équivalent d'un Joule par seconde. La bouilloire fournit donc 1960 Joules par seconde.

L'eau possède une capacité thermique de 4,18 Joules par gramme et par degré. Ce qui signifie qu'il faut 4,18 Joules pour élever une masse d'1 gramme d'eau d'1 degré Celcius.

Remarque : en réalité il s'agit de Kelvin, mais comme la quantité d'énergie porte sur une différence de température et que le delta en degrés Kelvin est égal au delta en degrés Celcius, le résultat est le même et le calcul valide.

Si je remplis ma bouilloire avec 1607 gr d'eau à chauffer depuis 18°C – température à la sortie du robinet – jusqu'à 100°C – température d'ébullition de l'eau à pression atmosphérique – alors il faut :

(4,18 x 1607) x (100 - 18) = 550815 J

S'il me faut 289 secondes pour chauffer cette eau, alors la puissance réelle restituée est :

550815 /  289 = 1906 W (J/s)

Ainsi donc la puissance réelle restituée de la bouilloire est 1906 W, alors que les mesures brutes en sortie de compteur avaient indiqué 1960 W.

L'efficacité est donc :

1906 / 1960 = 0,97, soit 97%.

La bouilloire est donc efficace à 97% ce qui est plutôt bon.

Méthode de la puissance consommée

La puissance consommée est un calcul réalisé par l'appareil de mesure et s'avère utile lorsque la puissance instantanée varie au cours de temps. Dans ce cas, les mesures sont cumulées pour en donner la somme.

Cette puissance consommée est donnée en kWh.

Pour chauffer 1607 gr d'eau de 18 à 100 °C, il faut une puissance consommée de 0,158 kWh, soit 158 Wh.

1 Wh (Watt heure) est l'équivalent d'une consommation d'1 Watt durant 1 heure. 1 Wh est la consommation totale d'énergie d'un appareil consommant un Watt durant une heure.

Comme 1 Watt est une puissance d'un Joule par seconde et qu'une heure contient 3600 secondes, alors 1 Wh est équivalent à 3600 J – il a fallu consommer 3600 Joules. Ainsi donc :

158 x 3600 = 568800 J

Il s'agit de la quantité d'énergie qui a été réellement consommée par la bouilloire.

Or, nous avons déterminé qu'il faut 550815 J – c'est la physique qui le dit.

L'efficacité est donc :

550815 / 568800 = 0,97, soit 97%

Nous obtenons la même valeur que par la méthode de la puissance instantanée, ce qui est à la fois rassurant et normal. L'appareil semble donc bien étalonné.

Remarque : la puissance consommée ne tient pas compte du temps nécessaire pour réaliser les calculs car il s'agit d'une somme – en réalité d'une intégrale, mais le résultat est le même.

L'induction

Méthode de la puissance consommée

La plaque à induction n'a pas de puissance constante puisque, même au maximum, sans pause ni interruption, l'intensité diminue avec le temps – 7,445 A au départ; 7,250 A à la fin.

Il ne reste donc que la méthode de la puissance consommée, mais nous avons démontré son équivalence.

1134 gr d'eau à 18°C ont été portés à ébullition en 308 secondes, pour une puissance consommée totale de 141 Wh.

(4,18 x 1134) x (100 - 18) = 388690 J

388690 Joules sont nécessaires pour l'opération – c'est la physique qui le dit.

141 Wh, soit :

141 x 3600 = 507600 J – c'est la réalité qui le dit.

L'efficacité est donc de :

388690 / 507600 = 0,77, soit 77 %, ce qui est bon, mais largement moins efficace que la bouilloire conçue pour cette opération.

Résultat

La bouilloire remporte clairement la partie. Pour économiser de l'énergie destinée à chauffer de l'eau, il faut donc l'utiliser au maximum, aussi bien directement – chauffer l'eau pour le thé – qu'indirectement – chauffer l'eau pour ensuite faire cuire du riz ou des pâtes, l'induction servant alors à maintenir le liquide à température, réglée alors au minimum nécessaire.

Pour aller plus loin

Mais ce n'est pas tout !

En plus d'économiser de l'énergie, il est aussi possible d'économie de l'eau. Plutôt que de laisser couler l'eau froide de la douche afin d'obtenir de l'eau chaude à bonne température, il vaut mieux porter de l'eau à ébullition pour ensuite la diluer avec de l'eau froide – non chauffée – dans une bassine.

97% d'efficacité pour la bouilloire : même avec un chauffe-eau efficace, la perte thermique dans les tuyauteries ne permettra pas de rivaliser.

Là encore, les maths et la physique nous indiquent comment le calculer.

La bouilloire compte, en gros, 1 litre et demi, soit 1500 gr d'eau, chauffée à 100°C.

L'eau froide sort du robinet à 18°C – peut-être moins en hiver, il faudra le mesurer.

La température idéale de l'eau doit être à la température de la peau, soit environ 33°C. Disons 35°C pour compenser les froides matinées d'hiver.

Nous désirons donc une bassine contenant X gr d'eau à 35°C, composée d'une certaine quantité Y d'eau à 18°C et de 1500 gr d'eau à 100°C.

Nous savons que :

  • (4,18 x 1500) x (100 - 18) = 514140 J – quantité totale d'énergie que nous apportons à la bassine correspondant à la partie chauffée de 1500 gr d'eau de 18 à 100°C;
  • X = Y + 1500 – conservation de la matière;
  • (4,18 x 1500) x (35 - 100) = -1 x (4,18 x Y) x (35 - 18) – conservation de l'énergie : transfert de l'excédent de chaleur de la portion d'eau la plus chaude vers la portion la plus froide.

Ainsi donc :

(4,18 x 1500) x (35 - 100) = - 407550 J  – la partie chaude cède 407550 Joules à la partie froide.

Y = -407550 / -1 x (35-18) x 4,18 = 5737 gr

Il faut donc ajouter 5737 gr d'eau pour obtenir 5737 + 1500 = 7237 gr d'eau à 35°C.

Soit un peu moins de 7,5 litres d'eau soit 3/4 d'une bassine standard de 10 litres, quantité largement suffisante pour prendre une douche.

Vérifions notre calcul; il devrait être équivalent à porter 7237 gr d'eau de 18°C à 35°C, soit :

(4,18 x 7237) x (35 - 18) = 514255 Joules

Ce qui correspond – aux arrondis près pour des raisons de simplicité de calculs et d'affichage – à la quantité d'énergie fournie aux 1500 gr d'eau. Le compte est bon.

Bien entendu, l'opération vaut aussi bien pour une douche que pour toute autre, comme le rasage de la barbe, avec une quantité d'eau moindre.

Conclusion

Voilà à quoi sert l'instruction dispensée par nos professeurs : se poser des questions à notre niveau individuel – pas celui du voisin –, obtenir les réponses – pour nous, pas le voisin – et en déduire les conséquences grâce à des calculs simples fondés sur des opérations de mathématiques élémentaires ne dépassant pas la difficulté d'une règle de 3.

Quelles sont donc ces conséquences ?

La plaque à induction – ou à gaz, électrique, vitro-céramique – est pratique et utile pour un usage général, mais beaucoup moins pour chauffer un liquide qu'un appareil conçu et optimalisé pour cet usage. Or, l'augmentation de l'efficacité passe aussi par la prise en compte d'une accumulation de petits effets. La somme de ces petits effets est d'ailleurs au fondement de la méthode des 1% ou du Kaizen. Comme dit l'adage : les petits rus font les grandes rivières.

Ainsi donc, toute personne sensible aux problématiques de réduction de consommation, aux améliorations d'efficacité énergétique – ne serait-ce que pour des raisons économiques – peut ainsi investir dans une bouilloire électrique et une bassine.

En continuant le calcul, il est même possible de déterminer exactement et facilement quels seront les gains en ressources naturelles et économiques sur une durée donnée – généralement un an – ce qui donne une valeur concrète aux efforts fournis et aux investissements concédés – la bouilloire et la bassine consommant des ressources pour être fabriquées.

Cependant, il convient pour cela de modifier un peu nos habitudes car utiliser une bassine au lieu d'une douche au robinet ne change en rien la température de l'eau, juste notre façon de procéder et d'anticiper – il faut plus de temps pour chauffer l'eau à la bouilloire qu'obtenir l'eau chaude au robinet.

Cet exemple n'en est qu'un parmi tant d'autres car, une fois le mouvement initié, il est possible de prolonger la réflexion sur d'autres habitudes de consommation et de prendre conscience de tous les efforts que nous pourrions réaliser individuellement.

Ainsi, fort de cette expérience, nous pouvons réaliser que la façon la plus simple qui consiste à remplir la bouilloire à son maximum n'est pas la façon la plus optimale. Il faudrait, par exemple, la remplir au mieux, en fonction des besoins, et investir alors dans un verre mesureur plus adapaté – par exemple un demi-litre –, placé à portée de main prêt à servir, afin de la remplir au mieux et réaliser encore plus d'économies.

La seule question qui reste alors et pour laquelle les équations n'apportent aucune réponse : quand commençons-nous ?

Notre immobilisme provient très souvent d'une méconnaissance du monde qui nous entoure et des ordres de grandeur qui le régissent. Nous compensons cette ignorance par de mauvaises estimations «à la louche» et par une flemmardise à vérifier nos a priori.

Par exemple, dans le contexte du régime alimentaire, nous sous-estimons la quantité calorique que nous absorbons quotidiennement du simple fait de ne plus subir de privations, avec des assiettes grandes et bien garnies sur nos tables, induisant alors une mauvaise appréciation des quantités et, conséquemment, une prise de poids associée allant parfois jusqu'à l'obésité. Il suffirait d'une balance alimentaire et de lire – compétence également aquise par l'instruction –  les étiquettes indiquant la valeur nutritionnelle des aliments pour avoir facilement une bonne estimation de cette quantité par une nouvelle règle de 3.

Ainsi, la première des actions est d'obtenir la preuve par la mesure afin de prendre conscience de l'effort réel qu'il nous faudra fournir, du gain en retour et, surtout, de sa durée.

Puisque nous savons désormais qu'une bouilloire consomme environ 150 Wh par cycle, pourquoi ne pas continuer l'expérience en mesurant la consommation des autres appareils afin de mieux nous représenter le reste de notre univers quotidien, celui sur lequel nous avons un réel pouvoir ?