Stratégie : Pourquoi les échecs collectifs sont votre faute

et qu'il faut qu'il en soit ainsi !

Je suis toujours très étonné de voir, aussi bien dans le cadre professionnel que personnel, à quel point la question de la responsabilité de l'échec est chronophage et pas toujours pour les bonnes raisons.

Mettre le responsable d'un échec face à ses responsabilités est normal en soi mais le combat sous-jacent n'est généralement pas là, l'objectif n'étant pas de savoir qui est le responsable mais, plutôt, qui ne l'est surtout pas ! Car, la plupart du temps, le responsable de la situation, en plus de répondre de ses actes, doit aussi nettoyer la merde. En cela, il devient «response-able», c'est-à-dire celui qui apporte non seulement des réponses mais également des solutions. Dans cette situation, soyez assurés que le travail d'équipe ne joue plus – c'est un drapeau rouge. Plus question d'échec collectif.

Il est donc assez étrange de voir des gens se battre pour rejeter la faute sur les autres, comme si se tromper leur était juste inacceptable et, en un certain sens, ils sont très probablement du mauvais côté de la lorgnette.

Voyons pourquoi.

Mise en situation

Imaginons la situation suivante : vous participez à un travail d'équipe et quelque chose se passe mal. Des explications sont demandées et, avec les explications, un nom à donner sur le responsable de cet échec.

Des réunions de crise sont donc mises en place avec tous les intervenants et les supérieurs des intervenants – drapeau rouge. Chacun doit expliquer ce qui s'est passé de son côté afin d'identifier la «root cause» – drapeau rouge – et celui qui aura la charge d'expliquer de façon détaillée ce qui s'est passé tout en résolvant le problème. Une fois la réunion passée, une autre est organisée avec les N+1 des N+1 afin de leur expliquer le problème une nouvelle fois, passant alors plus de temps à causer qu'à agir – drapeau rouge.

Dans cette situation, soyez assurés que chacun tentera de rejeter la faute sur les autres – drapeau rouge. À tort ou à raison ?

Fatalement, à force de rejeter la faute sur les autres, la responsabilité passe de proche en proche, comme une patate chaude dont chacun se débarrasse, jusqu'à arriver à vous. Et c'est là que vous devrez choisir la position à tenir.

La faute des autres

Imaginons que vous considériez – par défaut – que c'est la faute des autres, avec pour conséquence de vous débarrasser, comme eux, de la patate chaude.

À cela, il y a deux possibilités : vous avez raison – ce n'est pas votre faute – ou vous avez tort – c'est votre faute.

Vous avez raison : vous avez tout bien fait et l'échec est réellement la faute d'un autre.

Vous avez tort : vous avez échoué et vous vous êtes à l'origine de cet échec parce que vous n'avez pas agi comme il fallait.

Dans le premier cas comme dans le second, que vous ayez raison ou tort ne changera rien. C'est la faute des autres, point final, il n'y a rien à dire de plus. Et il n'y a rien à faire de plus; chacun sa merde !

Le temps que vous avez dépensé à rejeter la faute sur les autres et de vous débarrasser de la patate est du temps gagné par la suite : vous n'aurez pas de réponses à donner et pas de solution à apporter. Ce combat, certes désagréable, a été un investissement.

Ou alors…

Prenons le point de vue inverse : Imaginons que vous considériez – par défaut – que c'est votre faute. Vous êtes le maillon faible et, par humilité – et stratégie – vous gardez la patate chaude pour vous.

À cela, il y a deux possibilités : vous avez raison – c'est votre faute – ou vous avez tort – ce n'est pas votre faute.

Si vous avez raison, alors votre problème est résolu. Il vous faudra faire des efforts pour vous améliorer, mais la solution est entre vos mains.

Si vous avez tort, ça ne changera rien, quoi que vous fassiez vous resterez impuissant à réellement influencer la situation mais la force consiste alors à essayer toutefois. Car si vous pensez que vous êtes à l'origine du problème, alors vous tenterez d'agir, mais vous aurez toutefois le mérite de vous remettre en question et de rester alerte car, ne vous leurrez pas, vous n'êtes pas parfait, il y a toujours quelque chose à améliorer. Il vous arrivera aussi de vous trompez un autre jour et, ce jour-là, vous remettre en question sera le bon choix pour apporter la bonne réponse.

L'intelligence est un complément à l'évolution darwinienne. Elle est un outil pour évoluer non pas suite à une lente modification du patrimoine génétique, de façon trans-générationnelle, mais à un changement rapide au niveau individuel.

L'intelligence se mesure, en quelque sorte, par sa capacité à s'adapter rapidement aux situations. Mais, pour que cela foncitonne, il faut être capable de se remettre en question. L'intelligence sans remise en question ne sert à rien.

La remise en question fait mal à l'ego. C'est pourquoi il faut s'y habituer afin de passer outre, la blessure d'ego n'étant, en définitive, certes désagréable, mais pas mortelle.

Mais ce n'est pas tout !

En remettant en cause vos capacités, vous vous préparez mentalement à agir, à corriger, à améliorer ou à apprendre. Vous apprenez à investiguer, à comprendre votre univers en le décortiquant. À la fin de votre investigation, vous serez encore meilleur technicien; vos compétences techniques auront été également affûtées, en même temps que votre esprit.

Mais…

Parce qu'il y a un mais.

Se remettre en question a un coût. À la fois par le temps passé à tenter de résoudre des problématiques qui ne sont pas en votre pouvoir, mais également par les individus qui profiteront de l'occasion pour vous mettre sur le dos leurs problèmes afin que vous les résolviez pour eux, utilisant alors votre temps personnel de vie à leur profit.

Il faut donc être serviable, mais pas servile.

Comme vous êtes capable de vous remettre en question, vous savez prendre le temps d'analyser les situations et d'affûter votre esprit, à la fois sur votre univers, mais également celui des autres. Et grâce à cet esprit affûté, vous devriez être capable d'identifier les vampires autour de vous et vous en prémunir grâce à des nouveaux indices, de nouveaux drapeaux rouge, une nouvelle discipline, faisant de vous un individu encore meilleur. 

Vous avez progressé, pas eux. Vous vous êtes amélioré, pas eux.

Et ce n'est pas tout !

Celui qui rejette la faute sur les autres prend un énorme risque : il laisse entre les mains d'autrui la responsabilité de devoir expliquer le problème – ce qu'il sera obligé de faire, surtout s'il n'en est pas à l'origine.

Ce dernier devra alors fouiller et expliquer… et, en investigant, il mettra à jour les vraies causes du problème et les vraies responsablitiés de chacun, l'enchaînement des événements qui ont entraîné cette débandade.

Et là, le responsable désigné deviendra indirectement un accusateur.

En le désignant responsable au départ, on lui donne conséquemment tout pouvoir pour investiguer et s'expliquer, attirant alors à lui tous les regards avec beaucoup d'attention – n'oublions pas que les séances ont impliqué des N+1, N+2, N+3…

La plupart de ces gens-là étant des micro-managers exagérément inquiets qu'une information puisse leur échapper, ils voudront des réponses rapides et des solutions tout aussi expéditives. Ils monopoliseront les ressources nécessaires pour vous aider. À ce moment-là, ils vous transféreront indirectement les pouvoirs du dictateur de la Rome antique. Le pouvoir quasi-absolu sur une période de temps limitée afin de résoudre une crise majeure.

Et c'est là que vous devenez le nouvel homme fort – cette expression pouvant évidemment s'appliquer à une femme. Si vous tenez les rênes d'une main de maître, la situation s'inversera en votre faveur. Vous deviendrez la personne sur laquelle ils peuvent se reposer.

De plus, les vrais responsables n'échapperont ni à la lumière des projecteurs, ni aux conséquences. On se souviendra qu'ils étaient prompts à rejeter la faute sur les autres et qu'ils ont alors participé à la destruction de l'esprit d'équipe.

Résumé

Nous avons donc identifié les drapeaux rouges suivants qui sont autant de caractéristiques pour reconnaître la situation :

  • le travail d'équipe ne joue plus, chacun joue pour son camp;
  • des réunions de crise sont mises en place avec tous les intervenants et les supérieurs des intervenants;
  • sitôt la séance achevée, une ature est organisée avec les N+1 des N+1 afin de leur expliquer le problème une nouvelle fois, passant alors plus de temps à causer qu'à agir;
  • identifier la «rooot cause» devient primordial, presque au détriment d'une solution, notamment si cette dernière ne résout pas la problématique mais ne fait que la contourner;
  • chacun des exécutants tentera de rejeter la faute sur les autres, arguant que le problème n'est pas à son niveau.

Dans ces conditions, dès lors que la patate chaude arrivera dans vos mains, gardez-là et temporisez. Réclamez du temps pour investiguer, sans précipitation malgré les injonctions. Votre sang-froid excitera d'autant la frustration de ceux qui veulent tout connaître.

N'oubliez pas : Il faut donc être serviable, mais pas servile. En imposant votre rythme, vous faites toute la différence.

À ce moment-là, trop occupés à se protéger, vos collègues joueront pour leur seul camp, rompant par cela la cohésion et devenant alors des concurrents.

Tous les projecteurs sont braqués sur vous, tous les supérieurs qui veulent des réponses monopoliseront les ressources pour vous aider à y voir plus clair. Le pouvoir est alors entre vos mains et vous serez d'autant plus respecté si vous savez garder la tête froide.

Conclusion

La moralité de la fable de la Poule aux œufs d'or peut s'appliquer de bien des façons. Toutes ont pour point commun de perdre à court terme mais de gagner à long terme.

Ainsi, peu importe que vous ayez tort ou raison, il vaut généralement mieux accepter la responsabilité d'un échec collectif afin de récupérer sans tarder tous les pouvoirs pour agir plutôt que de reporter la faute sur les autres et de laisser courir la montre, vous démarquant ainsi de vos collègues devenus vos concurrents, pour peu que la conséquence de cette responsabilité implique une action de votre part – et pas simplement désigner un bouc émissaire.

Vous serez perdant à court terme par le temps que vous dépenserez à investiguer à la place des autres, mais gagnant à long terme par votre sang-froid, votre capacité d'analyse, les compétences acquises durant l'opération, alors que ceux qui auront rejeté la faute sur les autres s'enfonceront dans la stagnation.

Une réputation se construisant toujours sur le long terme, choisissez la patience à long terme et l'action à court terme. Fuyez les solutions impliquant de l'inaction à court terme.